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Je crois que je vais faire un blog...

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17 novembre 2008

La destruction

J’ai retourné mon bureau, et j’ai tout détruit.
J’ai autodafé cette vie.
Les feuilles et les fiches, les livres et les articles. Les courriers et les résultats, et les convocations, et les plans, et les préparations.

Deux années entières, et la moitié d’une, pour rien, à mes pieds.

Neuf cent treize jours avec cela dans le ventre, neuf cent treize nuits avec cela au fond des yeux, grand ouvert, en vain. Neuf cent treize jours de projection, d’obstination.

Deux ans et demi d’études.
Un dixième de ma vie.
Pas grand chose.

Des heures de travail, de pression, d’épuisement.  Des heures d’espoir, de concession.

J’ai eu le sentiment d’une trahison amoureuse. J’ai eu l’impression qu’un raz de marée avait dévasté toute mon existence. J’ai eu l’image persistante de ma vie en ruines, comme un champ de bataille encore fumant des derniers salves ennemies.  J’ai senti l’eau monter autour de moi, et la terre se crever sous mon poids, j’ai senti le feu consumer mes nerfs, et mon souffle m’abandonner.

J’ai vu la bête arriver droit sur moi, celle de l’an passé que je connaissais trop bien, prête à m’encorner à nouveau. Comme je savais le mal qu’elle allait me faire, je l’ai arrêtée à temps, je l’ai saisie et j’ai frappé plus fort qu’elle, j’ai crié plus fort qu’elle, j’ai pleuré plus fort qu’elle aussi.`

Alors j’ai retourné mon bureau, et j’ai tout détruit.
Depuis, je reconstruis.
Làbas.

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25 juillet 2008

Les Berlines

Comme l’avion atterrissait peu après vingt deux heures, ils avaient dîné tôt dans un petit restaurant de la ville. Puis, ils étaient allés récupérer la grosse voiture noire, dont il était très fier. Aux caisses du parking, un homme sans âge, un peu hirsute, habillé chaudement pour un mois de juillet, buvait seul, avec à ses pieds un grand sac poubelle ouvert, qui devait contenir la totalité de ses affaires. Au moment de payer, elle avait eu une brève hésitation face aux indications de l’automate, alors l’homme seul en avait profité pour engager la conversation

« - Vous mettez le ticket là, madame… C’est compliqué ces machines-là maintenant hein ?

Puis il s’était tourné vers lui. Bonne soirée ? avait-il demandé.

- Ca va… Et toi, ça va ?

- Ca va…

- Pas trop d’emmerdes ?

- Non, ça va, c’est calme à c’t’époque…

- Ca fait longtemps que tu fais la rue ?

- Ca va faire treize ans…

- Et ça va ? Pas trop dur ?

- Non, ça va, on fait aller, j’cherche pas la merde, j’reste tranquille…

Comme elle avait réglé avec un billet de dix, l’automate lui avait rendu la monnaie.

- Tiens, donne donc la monnaie au gars, lui a-t-il dit.

L’homme seul a tendu la main, avec un petit signe de tête

- Merci… Puis il s’est à nouveau tourné vers lui. C’est laquelle ta voiture ?

- Celle en face, là, a-t-il répondu en tendant le bras

- Ah ouais, belle voiture dis donc ! T’es dans quelle partie toi ?

- Moi je suis dans le bâtiment.

- Et ça va, ça marche bien, doit y avoir du boulot là, non ?

- Ca va, ça marche ouais…

- Eh t’as pas vu tout à l’heure ? Une grosse Mercedes noire, super belle, vitres teintées et tout… T’as pas vu ? Ben c’était un joueur de foot dedans à c’qui paraît !

- Ah ouais ? Non, j’ai pas vu…

- Ah ben eux, j’peux t’dire, ils en gagnent du pognon, ça y en a hein !

Tous les deux ils avaient acquiescé, et puis ils avaient fini par s’en aller

- Allez vieux, bonne soirée, a-t-il lancé en lui serrant la main et avant de tourner les talons

- Ouais bonne soirée. Bonne soirée madame…

Et ils sont partis rejoindre la voiture.

Et moi un peu en retrait, je pensais à mes craintes de fillette à l’égard des hommes seuls et un peu ivres qui m’interpellent parfois dans les rues, et auxquels je n’ose pas toujours répondre, et vers lesquels je ne vais pas souvent faire un peu la conversation, ne sachant pas assumer le prix de mon dernier cadeau de Noël…

Et moi, un peu en retrait, j’observais le naturel de ce couple petit bourgeois qu’étaient devenus mes parents, ce couple d’enfants de la rue qu’étaient restés mes parents.

24 juillet 2008

D'Ouest

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Je ne suis jamais revenue de Bretagne aussi difficilement je crois, autant dire que la perspective de passer deux mois d'été sous le soleil d'Aix et entre les murs de mes révisions ne m'enchante guère...
Je ne suis jamais revenue de Bretagne avec un tel sentiment d'éloignement non plus. La distance et les années cassent tant de choses, des mots qui ne se disent plus, du temps qui ne se prend plus, et tous ceux dont on  se sent soudain tellement à l'écart...
On dirait qu'il serait temps de rentrer au pays si l'on ne veut pas en manquer davantage, avec la crainte aujourd'hui de ne plus y retrouver tout ce, et tous ceux, qu'on y avait laissés il y a quatre ans...

Les concours sont passés, avec cette frustration immense procurée par l'impression de n'avoir pas su, cette année, saisir ma chance, la dernière, avec cette pression puissante qui plombe toutes mes estimations... Et l'attente, maintenant, et le risque de réviser deux mois encore pour rien.

Mais j'ai pris ma décision, enfin, j'irai en Master 2, je travaillerai dans le privé si j'ai échoué début juillet ou si j'échoue encore aux oraux. Contre toutes mes attentes, mon père - est-ce l'âge? m'a pourtant conseillé de jouer la sécurité. Comme c'était couru d'avance, moi - est-ce l'hérédité? j'ai rué dans les brancards. Et je crois que j'ai bien fait, je me réveille chaque matin avec une sensation que je n'avais pas eu depuis longtemps, d'avoir la vie devant moi, d'avoir un grand horizon qu'il n'appartient qu'à moi d'organiser, de transformer, de créer. Avec la certitude d'avoir choisi, et non subi.

7 juillet 2008

Sur le départ...

DSCF7249Je manque de temps pour écrire ici, ce n'est pourtant pas l'envie qui me fait défaut en ce moment...
Mais entre deux concours, je passe rapidement vous dire que je pars à Lyon pour la semaine, passer mes derniers écrits, enfin, et clore ainsi cette année de recommencement!
De retour la semaine prochaine sur la toile, depuis la Bretagne...
D'ici là, je vous confie mon Elixir, qui reste seule à travailler à Aix, prenez soin d'elle, elle lit tout tout tout, tous mes posts et tous vos gentils, drôles, intéressants commentaires!
A bientôt!

30 juin 2008

Real TV

jos_phine_karlssonVous connaissez Engrenage ? Bon, et bien physiquement, ma Mouff, c’est Joséphine Karlsson, en mieux, et sans le côté fourbe.

Vous connaissez Damages ? Bon, et bien professionnellement, ma Mouff, c’est Ellen Parsons, en mieux, sans le côté fayotte.

Et depuis des semaines maintenant, dans le cadre de son stage, sachez qu’elle se bat contre des ersatz d’Arthur Frobisher, et croyez moi, au pays des requins, la vie n’est pas tous les jours facile !

Alors personnellement, les abus de bien sociaux et autres délits financiers en tous genres, c’est pas trop ma tasse de thé, les réglementations à ce propos rabâchées tout au long de l’année par ma chère et tendre, ça aurait même légèrement tendance à m’ennuyer (mais alors légèrement hein, qu’allez vous imaginer, je l’aime quand même, tout ce qui sort de sa bouche n’est que perle de nacre…)

Mais quand ce sont de vrais gens, de vrais méchants, et de vrais gentils, là ça prend tout son sens ! Vous admettrez : c’est tout de même beaucoup plus sexy de coucher avec la robine des bois en lutte contre les actionnaires majoritaires félons qu’avec le code des sociétés 2008…

J'ai donc réalisé, tout à l'heure, en l'écoutant échafauder des stratégies pour venger "la veuve et l'orphelin" (et pourquoi pas, d'ailleurs, autres temps, autres moeurs, "la maman sociale éconduite et le pacsé d'un défunt séropositif"?) des fourbitudes des puissants de l'industrie que je vivais avec deux heroïnes télé en une! Ce qui me distrait aimablement, vous en conviendrez, de mes longues et soporifiques révisions du moment... Tout ce que je me souhaite, c'est de ne pas terminer comme le fiancé d'Ellen Parsons dans Damages, assassiné à coups de mini statues de la Liberté (ou de salière/poivrière en forme de bonshommes aux bras pointus chez nous, puisque non, nous ne collectionnons pas de mini statues de la Liberté, merci pour elles (et nous)).

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29 juin 2008

Demain, le bac!

Demain, je repasse l'oral du bac de français, ou tout comme, sept ans après...
J'ai accompagné Jérémy, depuis le mois de mars, à la demande de ses parents, tout au long de la préparation des épreuves anticipées de français. Jérémy n'aime pas lire, n'aime pas le français, n'écoute visiblement pas en cours, ne prend pas de notes, ou si peu, et n'aura pas lu une seule de ses oeuvres au programme avant le mois de mai. Il navigue entre 5 et 7/20 à ses bacs blancs écrits, et ne tiendra pas plus de 4minutes la première fois où je lui ferai passer un entraînement oral... Jérémy est en S, mais tout de même, il y a des limites, pensé-je.

Au début, rien ne sort, muet à mes questions, j'ai l'impression de lui parler chinois, il meuble ses entraînement oraux de longs "euuuuh".

Mais je l'aime bien quand même, sans trop savoir pourquoi, et je me plais à le faire lire, comprendre, parler coûte que coûte sur les textes.

Au final, nous avons fiché ensemble la totalité de ses trente et quelque textes, et j'ose croire qu'il les maîtrise en grande partie quant à leurs enjeux littéraires, leurs implications idéologiques.

Jérémy n'est pas stressé, ça non, jamais, moi oui. C'est lui qui passe demain, à 14h, et c'est mois qui me fait les sangs en attendant qu'il m'appelle, pour me dire sur quoi il est tombé, comment il pense s'en être sorti.  Il a progressé, c'est évident, en témoigne ses présentations orales ben plus riches et plus complètes en 10minutes, et ses deux derniers commentaires composés notés 11/20 par son professeur, en dépit de sa syntaxe parfois approximative.
Je ne pensais pas m'être autant impliquée, mais la semaine dernière, quand il m'a appelée après son écrit, tout heureux de me dire qu'il avait été inspiré, qu'il s'était senti à l'aise sur Balzac, ça m'a donné le sourire pour toute la journée! Alors forcément, pour demain avec toutes les heures que nous avons passé sur sa liste de textes...

J'ai connu l'angoisse de ne pas "boucler le programme" à temps, l'angoisse qu'il n'arrive jamais à aligner deux phrases cohérentes sur Montaigne, l'angoisse de ne pas réussir à l'intéresser, à le motiver...
Mais j'ai aimé partir de son "Pfff...rien!" lapidaire, réponse à ma question "que se passe-t-il dans Moderato Cantabile?," pour lui ouvrir une petite lucarne sur le monde de Duras, lui faire comprendre la réalité sensuelle du dîner chez Anne Desbaresde, le pousser à s'interroger sur le statut de la femme au travers d'Emma Bovary et de Mme de Clèves,  lui ouvrir les yeux sur  tous les fantasmes et tabous sous tendus chez Genêt, lui montrer qu'on pouvait aussi réfléchir sur le conflit Irakien, le terrorisme et les émeutes des banlieues en 2005 à partir de Montaigne, ou de Diderot, essayer de lui faire réaliser, en somme, que la littérature qu'on lui imposait à l'école n'était pas que des mots, mais portait en elle toutes les passions, toutes les violences et toutes les grandeurs et les misères qui nous entourent quelque soit notre époque...
A sa façon de m'interroger encore et encore sur Les Bonnes de Genêt avant que je ne parte hier, j'ai eu l'impression d'avoir ouvert une toute petite brèche dans son indifférence. Alors demain, j'espère que le correcteur pourra entrevoir la progression ces quelques mois chez mon petit protégé.

28 juin 2008

Pédagogie de l'homophobie

Après plusieurs Marches des Fiertés dans plusieurs grandes villes de France (Nantes, Lyon, Strasbourg, Rennes...), et une semaine avant celle de Marseille, la Marche des Fiertés Lesbiennes, Gays, Bi et Trans concentre aujourd'hui quelque peu l'attention médiatique...
Le thème de la Gay Pride cette année m'intéresse tout particulièrement, puisqu'il s'agit de la lutte contre l'homophobie au sein de l'Education Nationale. Et Xavier Darcos de s'engager, dans les pages de Libération cette semaine, de faire de ce thème une exigence centrale au sein de son ministère pour l'année scolaire à venir.
Le noble enjeu que voilà! La douce surprise que voici! Quel pied de nez à Boutin et consorts, quelle bravoure sous Sarkoléon...

Paroles paroles paroles...

Devrions nous lui rappeler, à notre Ministre, que SOS Homophobie, principale association au niveau national se proposant d'intervenir en milieu scolaire pour lutter contre les préjugés des jeunes générations et déconstruire avec eux leurs idées reçues sur l'homosexualité, se proposant de mener activement une mission d'information et de prévention auprès des jeunes publics, ne parvient toujours pas, au bout de 15ans d'existence et d'action reconnue à obtenir un agrément au niveau national, et que seul le rectorat de l'Académie de Versaille a accordé son agrément, en 2004, aux membres de SOS Homophobie intervenant en milieu scolaire.
Une seule académie en France.
Les interventions ont lieu, dans l'académie de Versailles, comme ailleurs mais sans le couvert de l'agrément, sans le moindre problème avec les élèves, enseignants, et membres de la communauté éducative.

Et nous allons à reculons...

Une association de familles catholiques a cette année porté un recours devant le Tribunal Administratif de Versaille pour cause de préjudice moral occasionné par cet agrément donné à SOS Homophobie, et réclame des dommages et intérêts. Le Juge Administratif, dont le délibéré n'est pas encore intégralement connu, a d'ores et déjà donné partiellement satisfaction aux recquérant, et l'agrément a été invalidé pour motif de forme...

SOS Homophobie n'aurait donc plus aucun agrément de l'Education Nationale, douce ironie au regard des engagements pris par le Ministre...

Il est évident que même sans agrément, nous parvenons à intervenir dans certains lycées, dans certaines classes, sur décision discrétionnaire du Chef d'Etablissement. Mais bien souvent, alors que nos démarches sont lancées auprès de nombreux établissement, nos propositions sont écartées, faute d'agrément, tous les Chefs d'Etablissement n'ayant pas vocation à risquer de se mettre à dos des associations de parents d'élèves qui leur reprocherait de livrer leurs progénitures à des intervenants n'ayant pas d'agrément officiel... Notre but est d'intervenir en milieu scolaire, c'est essentiel pour nous de porter notre message auprès des jeunes générations, mais l'Etat fait de la résistance.

On ne peut pas s'engager d'une part à promouvoir la lutte contre l'homophobie à l'école et élever toujours plus d'obstacles administratifs contre la réalisation de cet objectif, Monsieur le Ministre...

25 juin 2008

Choisir...

Alors voilà, un jour il faut s’y résigner, un jour il faut faire un choix.

Après avoir consciencieusement organisé toutes mes études depuis mon baccalauréat pour justement ne pas avoir à choisir, me voici, 6ans plus tard, à devoir me frotter à mon tour à la Décision.

Je suis entrée en classe préparatoire littéraire pour suivre une formation généraliste, élitiste, approfondie et réputée. Je suis entrée à science po pour suivre une formation généraliste, élitiste, réputée, et qui me donnait les clés de compréhension essentielles du monde dans lequel je vis.
Je suis entrée en prépa concours pour présenter des concours sociaux de cadre de direction (catégorie dite "A+"), pour à la fois remplir une mission de service public, travailler dans le domaine du social qui m’est cher, avoir des responsabilités et un pouvoir décisionnel important, et (très) bien gagner ma vie.
J’ai échoué, une fois.
Je recommence donc cette année. Je repasse ces concours dans moins d’une semaine, je ne m’étalerai pas sur le stress et la pression que je m’inflige en ce moment à ce sujet.

Mais, n’étant pas complètement obtuse, et prévoyant un éventuel second échec, je me suis ménagée des portes de sortie.

L’une dans le public : un concours administratif, de catégorie A, proposant des postes sans grand intérêt, des salaires pas forcément reluisants (du moins en décalage avec ce à quoi j’espérais pouvoir prétendre après 5 ou 6ans d’études), un manque de reconnaissance professionnelle évident (il suffit d’expliquer qu’on présente les concours administratifs pour se faire traiter de planquée…).
Mais, la sécurité de l’emploi, des avantages sociaux certains (comme l’illustrent mes cours sur la sécurité sociale, je commence à connaître le dossier), l’emploi du temps confortable et propice à une vie familiale épanouie, et puis la bonne conscience d’effectuer une mission de service public (mais pas forcément dans le social) (et surtout pas à des postes de direction). Concours décroché.

L’autre dans le privé: un Master 2 (ex. DESS) de management, en apprentissage, dans une institut assez réputé (quoiqu’en deçà des grandes écoles de commerce) et très reconnu, au recrutement assez sélectif, proposant des postes motivants, et concrets, de management, d’encadrement d’équipe, de direction de projet voire d’entreprise à terme, des salaires de débutants équivalents à ceux qui sont versés aux cadres de direction débutants dans la fonction publique (soit 60% de plus que les salaires proposés par mon concours catégorie A), une aussi bonne reconnaissance sociale que si j’étais cadre de direction dans le public.
Mais le Risque. Le risque de ne pas trouver d’emploi à la fin de l’apprentissage, le risque de n’être plus aussi bankable sur le marché du travail dans dix ans que maintenant, le risque d’y sacrifier ma vie privée. Entrée en Master 2 décrochée aussi.

Moi qui espérais presque n'avoir pas à choisir encore, n'avoir que l'un, ou l'autre, (ou aucun, dans mes pires cauchemars), moi qui me disais que si je pouvais plaire à l'un, il serait difficile de plaire à l'autre en même temps, moi qui sous estimais visiblement ma capacité à faire le caméléon...

Au milieu de tout cela, de ces deux alternatives, il n’y a pas que moi, ce serait trop simple, encore que…

Il y a le fait qu’Elixir ambitionne de devenir avocate, et de ne pas compter ses heures elle non plus, il y a ma crainte de toujours avoir le rôle de « la femme au foyer » en étant fonctionnaire, d’être aigrie de n’avoir pas autant de reconnaissance sociale qu’elle  (et oui, c’est important pour moi, ça l’a toujours été) et de développer un complexe d'infériorité, pire, une rivalité malsaine. Ou au contraire que nous ne nous croisions plus qu’en coup de vent à cause de nos emploi du temps chronophages à chacune, en étant comme elle dans le privé.

Il y a le fait que j’ai été élevée dans le culte de l’effort et de l’ambition, du dépassement de soi et de l’indépendance. Que l’ambition de mon père à mon égard m’a toujours poussée en avant, m’a toujours fait mépriser le « confort », la « routine ", au profit de la carrière, du prestige, de l'argent et de la reconnaissance (oui, je suis une fille carriériste, et oui, j'aime (dépenser) l'argent aussi, oui je suis une fille bourrée de testostérone ;) (humour inside)).  Mais aussi dans le respect de l’Etat, du service public et la conscience de mes origines, et qu’il ne s’agit pas tant de gagner de l’argent à tout prix, que de pouvoir se regarder dans la glace chaque matin en étant intimement convaincue que son action est juste, que son but est moral, au sens laïc du terme évidemment.

Au milieu de tout ça, il y a les amis et la famille qui disent bien me connaître, et mal m’imaginer dans la rigidité du public, et dans la frustration du travail pas toujours reconnu à sa juste valeur.

Au milieu de tout ça, il y a les conseillères sages et éclairées, qui m’affirment qu’un jour mes priorités changeront, que lorsque je voudrai ou que j’aurai des enfants, l’essentiel ne sera plus sur mon CV ou sur mon compte en banque, mais dans mon ventre et dans le temps que je pourrais réellement consacrer à ma famille…

La seule solution combinant tout ce qui m’attire dans chacune de ces alternatives, en en évitant la plupart des écueils, serait de réussir cette année là ou j’ai échoué il y a un an. Dans l’idéal, je pourrais repousser encore un peu le choix, en espérant ne pas avoir à le faire en cas de succès aux concours A+, donc… Mais les résultats des concours A+ ne seront connus qu’en octobre, ou en décembre, d’ici là, je dois savoir où je fais ma rentrée de septembre, je dois anticiper, et je dois signer, pour le public, ou le privé, dans les semaines qui viennent, au cas où l’échec sonne à nouveau à ma porte cet automne.
Choisir donc...

21 juin 2008

L'année sans elle

Vous, vous, vous êtes ma faille. Et vous vous jouez de l’affection que j’ai pour vous. Quand j’aime les gens je les appelle, quand je les respecte je leur réponds. Je ne vous demande même plus de m’appeler, juste de me respecter. C’est une décision qu’il faudrait que je sache prendre. Cesser. D’attendre un mot de vous, d’attendre une réponse, d’attendre de la réciprocité. Cesser tout simplement de vous faire exister dans ma mémoire, dans mon esprit. On peut rompre avec les gens, amis ou amours, on peut rompre avec les habitudes et les manies, on peut rompre avec ce qui existe, mais c’est si difficile de rompre avec le vide d’une relation insatisfaite. C’est si difficile de rompre avec l’indifférence. Il faut qu’un jour, j’y arrive, à couper le fil de ces années de relation aléatoire, à sens presque unique. Cette relation que je suis la seule à porter. Je sais que cela ne tient qu’à moi, que vous ne me rappellerez jamais, que vous ne me retiendrez pas. C’est sans doute ça qui me fait peur. Si vous saviez pourtant comme je vous en veux, et comme je vous hais souvent pour tous ces messages perdus dans l’oubli, pour tous ces appels sur lesquels vous avez fermé les yeux. Six ans que vous soufflez sur moi le chaud et froid, vous rendez-vous compte ? Six ans d’obsession pour vos fuites et vos retours, pour vos regards volés et vos silences. Six ans à chercher vainement votre sincérité. Six ans à me livrer pour tenter de faire céder vos défenses, six ans à me rétracter, régulièrement, et vous rejeter du plus loin que je peux. Que vous ai-je donc fait pour mériter pareil traitement ? Ne m’expliquerez vous donc jamais ce que vous avez pu aimer en moi, si loin de vous il y a six ans, imperméable à vos regards, pour m’entreprendre de votre séduction… pour rien ? C’est tellement facile avec votre âge, avec vos traits et votre voix de séduire si jeune enfant. Dix sept ans. Malléable à merci, impressionnable à souhait. Désirante à ce point. Dix sept ans et déjà en larmes de se sentir pieds et poings liée à votre personne, et de craindre aussitôt votre fuite. De ne savoir garder vos yeux posés sur moi.

 

En écrivant ces mots, il y a quatre mois, j’ai décidé. Ce sera l’année sans elle. Ce sera la première des années sans elle. Cette année je vais faire ce que j’aurais dû faire il y a cinq ans déjà. Ne plus la faire exister dans ma vie. Cela s’appelle une rupture je crois, une rupture qui vient mettre fin à une relation qui n’a jamais eu de nom. Juste des caractéristiques : déséquilibrée, aléatoire, à sens unique trop souvent, frustrante, ambiguë, malsaine, humiliante, tellement humiliante, pour moi. Comment on appelle un sentiment qui n’est plus amoureux depuis longtemps mais qu’elle n’a jamais laissé se muer en amitié ? Comment on appelle cette indifférence affectée, sitôt que je l’approche, et cette séduction toujours recommencée sitôt que je m’éloigne ?

J’avais dix sept ans à peine quand un jour une petite peste que je fréquentais à l’époque m’a fait remarquer qu’elle n’avait l’air de ne faire cours que pour moi dans la classe. J’avais dix sept ans et tout ce que je faisais, tout ce que je disais, tout ce que je lisais l’intéressait tellement. J’avais dix sept ans et elle me répétait que je lui tendait le miroir de sa propre adolescence, passée.

J’avais dix sept ans et je refusais de comprendre ce que signifiait cette obsession, pour elle, pour ses yeux plantés dans les miens, pour sa voix qui s’introduisait dans la maison quand je ne m’y attendais pas, qui ne se présentait pas, qui se reconnaissait au simple décroché du combiné, et qui pénétrait l'intimité de ma chambres ou des espaces où je tentais de l’oublier. Cette voix qui me provoquait toujours ce même fourmillement dans les jambes, et qui m’empêchait de rester en place, ces papillonnements dans le ventre qui faisaient trembler ma voix.

J’avais dix sept ans quand elle m’a confié sa propre enfant, sans question, sans me prévenir, presque du jour au lendemain, comme pour sceller le secret de ce que nous ne disions pas, de ce que nous ne faisions pas. J’avais dix sept ans, et je bordais l’enfant, et je lavais l’enfant, et je chérissais l’enfant, ersatz de sa présence.

J’avais dix sept ans et les insinuations des autres, qu’elle provoquait, à notre égard, me rendaient folle. J’avais dix sept ans et déjà je l’implorais d’arrêter, ce manège, ces non-dits, cette indifférence et ce mépris affectés de certains jours.

Je n’avais toujours pas dix huit ans lors de cette nuit chez elle. De cette soirée passée à parler, si proches, de cette hésitation enfin avant de nous coucher chacune dans notre chambre. Quand accroupie à ma hauteur, elle a relevé la tête vers moi, assise sur le lit, pour ne rien me dire. Juste me regarder. Comme j’étais naïve de penser que j’étais la seule à ce point troublée.

Après j’ai eu dix huit ans, et je suis partie. Et plus je grandissais, plus elle s’éloignait. Et plus je grandissais, et plus je comprenais l’ampleur de ce qui s’était joué cette année là.

J’ai cessé de l’aimer bien sûr, je me rappelle nettement du soir ou je me suis rendue compte que ma dernière pensée avant de sombrer dans le sommeil n’était plus pour elle, mais pour Elixir, je me rappelle nettement du jour ou ce n’est plus son nom qui s’affichait sur mon téléphone qui me faisait frémir, mais celui d’Elixir.

Il y a eu ces conversations téléphoniques, derniers instants de grâce sans doute, quand je ne parvenais pas à lui dire ma vérité, qu’elle savait pourtant déjà. Ses déclarations à peine déguisées, le voile d’ignorance dont je continuais de m’envelopper obstinément, désespérément.

Et dix fois, cent fois, mille fois j’ai rendu les armes, à ses pieds, à ses lèvres. J’ai rendu les armes, j’ai hissé le drapeau blanc, pour que cesse enfin le feu de ce rapport de force. Il y a eu des trêves, quelques unes, trop rares. Et puis la guérilla toujours menée par son absence et son indifférence affectée, par ses retours soudains, ses rappels, ses points de suspension trop éloquents. Par ses excuses par ses silences, par ses fuites et son mépris.

Alors cette année, enfin, ce sera l’année sans elle. Elle ne le sait pas bien sûr, elle ignore encore que tout est terminé. C’est peut être cela le plus dur, de savoir que je suis celle qui détient les clés. Mais elle est à l’origine de notre histoire, c’est à moi de la terminer, pour retrouver un peu ma fierté. Je suis celle qui va anéantir notre relation, poussée par elle.

20 juin 2008

L'origine

Elle ne parle jamais beaucoup, je lui ai d’ailleurs longtemps reproché de tant se taire. Moi que le silence incommode tellement… Avec le temps j’apprends à me taire autant qu’elle, et à ne plus systématiquement interpréter son mutisme comme une source de conflit. Il faut comprendre à demi mot les phrases lapidaires qu’elle peut dire. Il ne faut jamais espérer avoir un jour plus d’explications que celle qu’elle aura décidée de donner, ou pas.

J’étais jeune et j’ai mis du temps à surmonter le sentiment de rivalité dans lequel je me sentais engagée vis à vis d’elle. J’étais jeune, et j’étais féroce, dans mes regards, dans mes éclats de voix, dans mon indifférence affectée, et elle a mis du temps à y voir autre chose que de la méchanceté à son égard. J’étais jeune et paralysée de constater que je pouvais parfois finir ses phrases, et qu’elle devinait avant moi souvent les instants où je sombrais.

Je l’ai jalousée, je l’ai maudite, je l’ai haïe, quand la tension était trop insupportable, quand les comparaisons ne tenaient pas le choc, quand l’incompréhension nous étouffait trop l’une et l’autre.

Et puis j’ai essayé de l’ignorer, de nous construire sans elle, comme si elle n’avait pas d’importance, en niant tout ce qu’elle fondait pourtant. Comme si ce qui avait fonctionné chez moi pouvait fonctionner avec elle. Comme si je pouvais la contraindre frontalement comme j’avais contraint les Miens.

Avant de comprendre toute la mesure qu’il fallait forcément adapter à cette relation. Avant de comprendre qu’elle était tout ce que les Miens n’étaient pas, qu’elle était tout parfois ce que je tentais d’oublier en moi.

Aujourd'hui, ce qui m'émeut dans nos silences conjugués autour des plats que nous préparons ensemble, c'est de savoir que la seule chose qui nous unit, c'est d'aimer viscéralement la même personne. Aujourd'hui, je l'aime juste de savoir qu'elle sera toujours l'unique femme qui aime autant, voire plus que moi - j'ignore sans doute à quel point une mère aime son enfant - mon Elixir.

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