Des ados et des trans
Nous étions invités hier à participer à une émission de radio locale pour répondre aux questions de quatre adolescents sur l'homosexualité. Nous imaginions des ados inhibés, mal à l'aise, pleins de questionnements par rapport à eux-mêmes, à l'image sans doute de ce que nous étions à leur âge. En les voyant, nous nous sommes sentis vieux d'un coup... Nous avions en face de nous une lesbienne, un tout jeune gay, un play boy bisexuel et une petite hétérotte. Nous avons été sidérés par leur assurance, leur acceptation, le chemin qu'ils avaient parcouru déjà en dépit de leur jeune âge. Nous nous rappelions qu'à leur âge, jamais nous n'aurions osé initier de la sorte une émission de radio sur notre sexualité, en parler aussi librement et ouvertement.
Leurs questions étaient intelligentes, problématiques souvent, je me sentais presque mal à l'aise de les voir ainsi suspendus à nos lèvres alors qu'il me semblait parfois qu'ils en savaient bien plus long que nous! En sortant, nous nous sommes dit que décidément, tout avançait à une vitesse folle. Cela m'a gonflée d'espoir. Qu'une petite radio locale, en milieu semi rural, diffuse ainsi à une heure de grande écoute le mercredi après midi une émission entièrement consacrée à l'homosexualité et avec une telle liberté de ton, cela m'a fait prendre conscience du chemin parcouru.
Nous avons rappelé Pierre Seels, nous avons rappelé Stonewall, nous avons rappelé 1982 et la dépénalisation de l'homosexualité en France, 1991 et la démédicalisation sur les fichiers de l'OMS, nous avons essayé de faire en sorte qu'à leur tour, en plus de leur force et de leur confiance en eux, ils aient tous les arguments, toutes les informations nécessaires pour continuer de s'affirmer de la sorte.
Le soir, nous nous sommes rendus à la conférence sur la question transexuelle organisée dans le cadre du festival Lesbigaix. Je suis d'une ignorance crasse en matière de transexualisme, de transgendérisme, d'intersexualité. Le contenu était d'autant plus dense qu'il était vécu.
J'ai pu mesurer l'intensité du parallélisme que l'on peut effectuer, à 20 ou 30 ans de décalage entre le combat homosexuel et le combat transexuel. La similarité, une génération et demi plus tard entre la situation des homosexuels, d'abord niés, considérés comme malades mentaux, comme fléaux sociaux, puis peu à peu intégrés dans la société et acquérant petit à petit les mêmes droits que les hétérosexuels, et la situation des transexuels, niés depuis des siècles dans nos sociétés occidentales, considérés depuis les années 1960 comme des malades mentaux, puis comme des cas psychiatriques et donc relevant de la médecine, et leur revendications, qui s'élèvent, pour ce droit à l'indifférence de genre, aussi, à la liberté d'identité générique, sexuelle, aussi, et ce refus de la binarité voulue naturelle de la société.
J'ai mesuré aussi à quel point, vu de l'extérieur, c'est un bouleversement total de tout ce qui fonde notre culture, nos habitus , à quel point cela peut être destabilisant. Et à la fois, en tant que lesbienne, je pouvais ressentir, comprendre au vrai sens du mot, ce qu'on nous expliquait. Une impression d'être à la fois in et out, une espèce de schizophrénie ponctuelle, qui m'a fait réaliser toute la porosité de nos états.