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Je crois que je vais faire un blog...
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9 janvier 2008

Sécurité émotionnelle, insécurité civique

En 2003, dans l’Insécurité sociale – Qu’est-ce qu’être protégé ? Robert Castel remarquait déjà qu’ « il est significatif en tous cas, comme la situation politique en France l’illustre en ce moment même, que la demande de sécurité se traduise immédiatement par une demande d’autorité qui, si elle est livrée à ses propres emballements, peut menacer la démocratie ».

En 2007, cette demande d’autorité s’est matérialisée incontestablement par l’élection du ministre de l’intérieur le plus autoritariste et usant de la rhétorique sécuritaire la plus violente à la présidence de la République.

En 2008, on nous propose, sans se soucier le moins du monde des libertés fondamentales construites depuis 200ans dans notre démocratie, de rajouter à la sanction du juge, la sanction d’une commission d’enquête pour éloigner les individus considérés dangereux de la société. Avant la Révolution, on appelait cela les « lettres de cachet »…

Monsieur et Madame Michu en sont bien aise, et, même si insistent-ils ils n’ont pas vraiment voté pour Sarkozy en mai dernier, là, ils trouvent que c’est une bonne idée quand même. Parce que ce n’est tout de même pas normal qu’un salopard qui a enlevé et violé une petite fille se retrouve en liberté et prèt à recommencer 10 ou 15 ans plus tard!

Certes. Monsieur et Madame Michu sont humains, trop humains, comme vous, comme moi. Et pensent d’abord avec leurs tripes, surtout quand ils songent par exemple à leurs propres enfants ou petits enfants. Ce sont dès être émotifs, et de fait face à de tels faits divers, émus. On ne peut leur en vouloir.

Mais le Président de la République n’est pas élu pour se faire l’écho des émotions individuelles. Et le Juge n’est pas là pour venger les victimes mais pour rétablir la justice, selon la loi.

L’idée de prolonger la peine des détenus, sur décision discrétionnaire d’une commission d’experts, par l’enfermement dans des centres de sécurité pour prévenir les récidives pose successivement plusieurs problèmes.

Un problème de démocratie évidemment.
Il y a trois pouvoirs en France, législatif, exécutif et judiciaire, qui se contrôlent et se limitent entre eux En rajouter un quatrième revient à bouleverser cet équilibre fragile et par conséquent à menacer directement nos libertés fondamentales. C’est nier le discernement du Juge et sa capacité à rendre justice. C’est nier la pertinence de la loi et sa capacité à régenter la société. C’est remettre entre les mains de quelques uns seulement le pouvoir de décider de la liberté d’autrui. Et c’est évidemment condamner autrui à la réclusion à perpétuité puisque pas un psychiatre ne voudra avoir la responsabilité de la remise en liberté d’un potentiel récidiviste, comme le soulignait justement Hélène Jouan hier matin sur France Inter.

C’est aussi un problème de fonctionnement des institutions.
Vouloir prévoir un enfermement après la prison revient à mettre en exergue d’autant plus l’inanité de la prison. Robert Badinter, sage parmi les sages, insiste depuis trop longtemps déjà sur ce point. Il faut repenser le fonctionnement et le but de nos prisons. Il ne s’agit pas seulement de soustraire les monstres aux yeux des citoyens le temps que l’émotion retombe, mais bel et bien de préparer, toujours, la prochaine réinsertion. Sinon, autant éliminer directement et physiquement les dits-monstres. L’abolition de la peine de mort suppose dès l’origine de porter un effort plus conséquent sur la réinsertion post carcérale.

C’est enfin un problème d’éducation des populations.
L'obssession sécuritaire de nos contemporains découle essentiellement de l'illusion selon laquelle le progrès technique et social devrait nous garantir contre tous les risques, et que le rôle de l'Etat est en effet d'annihiler ces risques. Mais le risque zéro n'existe pas. Aussi dramatiques puissent-ils êtres, les faits de pédophilie, d'infanticide, aujourd'hui perçus comme le summum de l'horreur (encore une fois, tout est question d'époque, il y a 150 ans, l'horreur absolue résidait dans le parricide, dans 150 ans, il résidera peut être ailleurs encore), n'en demeurent pas moins des "faits divers" et l'Etat peut difficilement avoir prise sur le fait divers, qui est affaire individuelle, et non collective, qui révèle des pulsions ancestrales de l'être humain. Demander à l'Etat de policer chacun de ses individus, d'anéantir l'intégralité des pervers, des malades, des déviants, revient à demander à l'Etat d'enchaîner tout un chacun. On ne demande pas à l'Etat de garantir le risque zéro en voiture (encore que...), un accident de la route est le fait du hasard, de la malchance, du "ça n'arrive pas qu'aux autres". Un enlèvement d'enfant aussi. Si nous refusons de vivre en acceptant ce risque, nous ne pouvons plus vivre libres.

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Commentaires
П
Un autre point de vue, plus madamemichuesque.<br /> <br /> Tout le monde s'accorde à dire que certains criminels ( en gros une centaine sur 60 millions d'habitants , 1 détenu pour 1000 habitants ) "irrécupérables" sont trop dangereux pour être remis en liberté, où ils tueront , violeront, manifesterons pacifiquement ou dieux savent quoi d'autre, car ils ne craignent pas d'être condamnés... Comme ils sont trop dangereux pour être relâchés -en l'état-, et que la lobotomisation n'est pas encore une option, il faut donc les garder en détention.<br /> <br /> Maiiiiiiiis... la loi ne le permet pas vraiment dans l'état actuel des choses ( et surtout dans celui des moyens dont disposent ceux censés garantir son application ), enfin pas indéfiniment. Changeons donc la loi. Riche idée.<br /> <br /> Ici, quelques esprits chagrins ( comme l'auteur de ce blog ) parlent de points de détail, de beaux principes ( ridicule, car, "il y a les principes et il y a la réalité", oui, j'adore citer des ministres )... Ceux là n'ont rien compris.<br /> <br /> En effet, les causes de la délinquance sont gé-né-tiques. Et c'est votre président qui vous le dit. <br /> <br /> Donc, vu l'impuissance de la médecine ( quel pléonasme ) à soigner génétiquement les détenus, il faut se résoudre à ne rien pouvoir faire pour eux. Comme pour les Rougon-Macquart.<br /> <br /> Or, l'absurde système actuel se base sur des études statistiques bidonnées par des infiltrés gauchistes pour souligner que la diminution de moyens pour les services psychiatriques et administrations pénitentiares, entraîne une surpopulation carérale et une augmentation du nombre et de la gravité des affection psychiatriques, alors que c'est bien évidemment le contraire ! On ne peut pas les aider, donc pourquoi dépenser autant d'argent à essayer ?<br /> <br /> Ici, certains diront que si avant la prison fabriquait des criminels, avec l'évolution actuelle elle fait en plus des fous. Ce qui est absurde, une fois de plus. N'est-ce simplement leur nature qui se révèle ? Génétique, on vous dit.<br /> <br /> D'ailleurs, comme le préconisent certains sydicats policiers, il faudrait ficher les comportements suspects dès la petite enfance - moi par exemple un jour j'ai montré ma culotte en récré en maternelle , alors même que je n'en portait pas. Déja déviante ! - ( cette idée lumineuse de fichage est bien sûr très lourdement critiqué par le lobby enseignants-éducateurs-pédiatres qui n'y connaissent rien ) <br /> <br /> Donc, on ne peut pas se permettre de réinsérer de tels individus. Et c'est là qu'intervient la super comission ! <br /> Tout ces fo... ces inréinsérables qu'on a fabr..repérés, pourront être gardés en prison indéfiniment, <br /> sans nuire à tous les honnêtes gens normaux dehors.<br /> <br /> Un peut comme aux states, quoi.<br /> <br /> <br /> Elle est pas belle, la vie ? Et en plus, que d'économies ! Allez, justice, santé, éducation, tout le monde se serre le garrot !<br /> <br /> Une vision trop sombre ? Peut être. J'espère. On verra bien.<br /> <br /> Sinon je voulais faire court. Ca sera pour la prochaine fois :)
2
Amen... (Polysémie, présidente!!)<br /> <br /> La phrase qui a fait tilt pour moi, dite par Badinter le grand sage : "depuis la Révolution française, on va en prison pour des actes ou crimes qu'on a commis, pas pour ce qu'on est, pas au nom d'une dangerosité indiquée par des psychiatres." Si on ôte la liberté à des personnes car elles sont susceptibles de commettre l'irréparable, on se retrouve dans un scénario digne de Minority Report.
E
Comme tu expliques bien ! Je suis entièrement d'accord avec toi. La peur est notre pire ennemie.
Je crois que je vais faire un blog...
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