Les proses noires du chat. (1)
Le chat est noir et s’appelle Pétronille mais ça
c’est juste pour l’état civil.
Le chat est très investi émotionnellement, le chat
c’est moi.
Je représente je crois beaucoup de choses, la
solitude trop dense d’un soir de janvier
que n’a plus supporté une fille un peu perdue qui
est venue me trouver.
mal élevé,
solitaire,
je suis un chat transfert,
je le sais,
on s’y fait.
je me suis endormi sur le Gaffiot, le Bailly, et
les poèmes de Mallarmé.
Je suis un chat du soir,
pas de la nuit mais du jour qui tombe,
de l’angoisse du crépuscule et des lampes qui
brûlent obstinément leur obscurité.
je suis un chat qui veille, stoïquement, les
peines qui coulent,
je suis un chat qui scrute, paisiblement,
l’effervescence des jours.
les retours ne m’émeuvent plus
et les départs ne sont que des recommencements.
je suis le chat qui sait qu’il faut tout vivre,
et tout apprendre,
ingérer,
maintenant.
sa velléité et sa paresse,
je suis le chat qui la regarde manger sa vie.
je me suis vautré comme elle dans ses déraisons,
j’ai oublié en même temps qu’elle ce qu’elle n’a
plus voulu savoir.
hurler contre les murs,
suffoquer du poids de l’air
et meurtrir son âme en elle.
pétri de ses contradictions,
nourri de ses hésitations,
bercé au creux de ses espoirs,
lové dans son ennui.
Je suis le chat de ses pensées,
le chat qui marche dans sa tête,
je suis le chat qui la suit quand elle s’en va.