"Mamie" je l'appelais
Cela
faisait bien 10ans que ne n’y étais pas allée et je ne sais pas vraiment
pourquoi j’ai demandé à ma mère de s’y arrêter, le week end dernier.
A
peine avais-je passé la grille et détourné les yeux devant le vieux monsieur
qui agitait sa timbale en ferraille pour le souvenir français, cette bouffée
d’hypocrisie bien connue m’a reprise à la gorge. Quelle comédie que cet
unique pèlerinage annuel sur les tombes
de nos défunts.
Une
impression douloureuse et oppressante de me retrouver vraiment face à elle,
après plus de dix ans d’absence. Seule, face au marbre rose gravé de son si
joli prénom et de son nom si douloureux, face à la modestie des honneurs de
notre famille si peu nombreuse, trois enfants, trois pots de fleurs, et le
mien, l’aînée des petits enfants, la seule qui se souvienne suffisamment d’elle
pour pouvoir le faire. une immense tristesse m’a submergée à nouveau. Est-ce
possible d’encore pleurer ses morts au bout de quinze ans ? Je n’ai pas
compris ces larmes qui roulaient sur ce deuil fait depuis si longtemps. Un
tiers de ma vie avec elle, deux tiers sans, c’est évident, on s’habitue. Alors
pourquoi ? Pourquoi là, à ce moment exactement, devant sa tombe, comme un
phénomène mécanique, automatique ? Ce n’est pas faute d’avoir sa photo
devant mon bureau, ce n’est pas faute d’y penser tellement souvent. Que
s’est-il passé alors, devant sa tombe, en ce jour de circonstances, tellement
convenu…