Mémoire
On choisit un beau sujet, un grand sujet, qui nous plait, qui nous intéresse, qui nous concerne parce que c'est un peu comme si on avait été élevée dedans.
On y passe des heures, on y passe des nuits, on y passe des mois. On y laisse des rèves, les yeux grands ouverts dans le noir à égrener les minutes nocturnes qui passent, pour y penser, encore. On y laisse son temps à côté, celui qu'on aurait du consacrer à des choses plus essentielles et plus urgentes.
On finit par y croire, on l'écrit en pensant à ceux que l'on aimerait tant remercier.
On le rend fière de soi, soulagée, et fébrile.
On le présente calmement, posément, craintivement.
On le soutient comme sa première réelle production concrète, tout en demeurant consciente de ses faiblesses, de ses lacunes, de ses maladresses, c'est une première fois somme toute.
On se fait démolir, on se fait humilier, par qui ne l'aura que survolé, par qui voudra avant tout l'interpréter à sa manière, par qui en ignore la moitié, par qui veut surtout étaler SON savoir.
On n'est plus capable de rien, pas un mot pour sa défense, plus un souffle pour son travail.
On n'ose plus le présenter à qui, vraiment, originellement, viscéralement, "de droit".
Et on a honte de l'échec.