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Je crois que je vais faire un blog...
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13 décembre 2007

Rue de la glacière

Elle affectionnait tout particulièrement la rue de la glacière, celle aux boutiques les plus huppées d’Aix en Provence, petite snobinardise d’étudiante fauchée qui aimait rêver au luxe.

Elle y passait et repassait, de jour en jour et de jour en jour elle passait et repassait devant cet homme au cheveux longs, en anorak, assis parterre sur un sac de voyage usé, une vieille bouteille en plastique à ses côtés. Il avait les yeux fermés et paraissait dormir. De jour en jour elle allongeait un peu le pas, détournait un peu le regard, en passant devant lui.

Ce soir là, elle s’était mise en quête d’un foulard, inutile, pour se rendre un peu plus accessoire encore. Elle ne trouvait pas, et cela l’agaçait un peu. Elle est passée deux fois devant l’homme au cheveux longs, aux yeux fermés, assis par terre, qui paraissait dormir.

Elle a voulu s’arrêter la deuxième fois, mais n’avait rien à lui donner. Elle n’a pas osé. Mais elle a continué jusqu’au distributeur d’argent, et est revenue sur ses pas, en passant par la boulangerie pour lui acheter quelque chose à manger.

Elle est arrivée devant lui. Elle s’était dit qu’elle s’accroupirait à sa hauteur, pour qu’il voit son visage, pour le regarder dans les yeux.

Finalement, elle n’a pas réussi. Elle est restée debout et droite pour lui dire « Bonsoir ».

L’homme a ouvert les yeux. Des yeux bruns et rieurs, des yeux calmes et doux. Il lui a souri et puis il a répondu « Bonsoir ». La sérénité qui se dégageait de son visage l’a déstabilisée dans un premier temps.

Elle a perdu ses mots. Au lieu de lui tendre le sandwich, elle lui a demandé « Vous avez faim ? »
"Non" a-t-il répondu, presque surpris.
Il faisait froid, et la nuit était tombée depuis un moment déjà.
Elle a insisté « Vous voulez de l’argent ? » prête à lui donner le billet qu’elle venait de retirer.
"Non" lui a-t-il encore répondu en souriant de plus belle.
Elle n’a rien su répondre, elle lui a juste reproposé le sandwich qu’il a refusé à nouveau « Non vraiment, c’est très gentil, mais je ne le mangerai pas… ».
Elle s’est excusée. Elle lui a dit au revoir, elle a tourné les talons. Elle aurait voulu disparaître. Elle s’est sentie très seule tout à coup, très vide tout à coup, très vaine. Elle a compris combien elle était pauvre.

Elle a imaginé qu’elle aurait pu retourner le voir, et lui demander ce qu’il faisait là, alors, ce qu’il attendait. Elle a imaginé le sourire qui lui aurait encore répondu. Alors elle aurait ajouté « vous méditez ? » Il aurait souri encore. Peut être sans rien dire. Alors elle aurait eu la force de se laisser glisser sur ses talons, contre le mur, à côté de lui. Et de lui dire « vous avez de la chance ». Et de rester à ses côtés. Regarder passer les femmes rue de la glacière, regarder passer sa vie, la tête entre ses mains. Si elle était vraie, c’est ce qu’elle aurait fait, mais…

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Commentaires
E
Chez moi il fait si froid qu'en ce moment tu vois peu de gens assis. La glacière, ici ce n'est pas un nom de rue. Un petit monsieur qui marche non stop dans toute la ville, de peur de s'arrêter, passer régulièrement chez moi. Je lui donne la monnaie que j'ai. L'autre jour, il m'a apporté de la doucette. A chaque fois que je le vois, je me dis, "ça va, il marche encore". Une seule fois, je lui ai proposé d'entrer, car il y avait une tempête terrible. Mais il a refusé, il ne pouvait pas manquer le créneau horaire où le foyer lui ouvrait ses portes. J'essaie de lui parler à chaque fois, mais je suis sûre que mes mots sont pauvres aussi.
E
si tu pouvais savoir le nombre de fois où ses sentiments me prennent à la gorge moi aussi...<br /> adolescente j'étais plus pauvre mais aussi plus folle, je pouvais rester une soirée a fumer un paquet de clopes en compagnie d'un chinois qui faisait de la musique dans le métro ou d'un clochard qui cherchait à se loger lui et son fils à la bastille et à qui j'ai fini par donner 100 francs pour qu'il aille se coucher plus vite...<br /> et aujourd'hui je ne m'arrête plus, je suis trop vite blasée et je m'en veux...<br /> on dirait que c'est la peur du regard des autres sur soi alors que ce que l'on fait n'est pas honteux...
F
Texte qui me laisse sans voix.<br /> Fort!
Je crois que je vais faire un blog...
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