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Je crois que je vais faire un blog...
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30 mars 2008

Le pain noir

Le matin, ce sont les lointains moteurs des chalutiers, qui accostent de leur nuit de pèche, qui la réveillent. Elle tend juste le bras pour attraper une cigarette, à tâtons, et son briquet. L’énorme chatte au bout du lit pèse sur ses pieds, et fini par sauter lourdement par terre, pour aller réclamer à manger. Alors elle se lève. Elle nourrit l’animal et met la cafetière en marche. Elle demeure immobile dans la cuisine, debout, en allumant sa deuxième cigarette, qu’elle fume toujours, les yeux dans les yeux de son père, en face d’elle, en noir et blanc, dans le vieux cadre. Plus le temps passe et plus ses traits pâles et émaciés font d’elle la preuve qu’il a existé. Avant. Et lui prouvent que ses gênes sont là, entre les coins un peu cornés d’un sépia de mauvaise qualité. Elle avale deux tasses de café, brûlant.

Le midi, elle entre en cuisine et elle noue autour de ses hanches de grands tabliers blancs, qui pourraient faire deux fois le tour de sa taille. Elle s’alimente du simple fait de faire à manger aux autres, ceux qui rient fort dans la salle du restaurant, ceux qui viennent du continent, ceux qui voudraient bien en être, ceux qui voudraient bien paraître plus îliens que les îliens eux-mêmes. Elle assourdit leurs voix dans le battement des fouets et des cuillères de bois dans les batteries de cuivre. Elle étouffe leurs ambitions dans les fortes odeurs d’iode, de sel, de beurre blanc et de citron. Elle ne vient pas en salle recevoir les félicitations des clients, qui roulent entre leurs doigts les bouts de mie noire du pain de seigle, elle considère qu’ils ont eu assez du fondant de la chair blanche des poissons sur leur langue, et de la sécheresse du vin clair qui vient poursuivre dans leur gosier le goût perlé et la texture un peu fuyante des huîtres aux reflets irisés.

Le soir en basse saison, il n’y a eu souvent que quelques couverts. La faute au vent et au ciel bas, à la nuit fraîche et au brouillard épais, peut être. Elle remonte tôt vers la maison, parfois avec un homme, peut être avec une femme, mais souvent seule. L’énorme chatte imperturbable l’attend devant le portail. Elle se sert un whisky, et elle allume la chaîne hi-fi. Elle fume plusieurs cigarettes. Quand elle commence à penser au retour des chalutiers au port, elle se dit qu’il serait temps qu’elle aille se coucher. Les soirs de tempête, les soirs de grand vent, les soirs où l’île se recroqueville au milieu de la mer, comme un enfant au milieu d’un grand lit froid, elle pense au pêcheur sur le papier sépia, qui s’est noyé dans ces eaux noires, huit mois et demi avant sa naissance.

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Commentaires
E
Rassurée, mais impatiente que l'inspiration revienne.
A
Bah alors, à quand le prochain post ?
P
Chère Ed, Chère Emy,<br /> C'est gentil de continuer à passer, mais je ne sais pas trop que vous dire.<br /> Je vais bien, mais l'inspiration, et l'envie manquent un peu.<br /> Je ne sais pas si j'arrête, je ne sais pas si je continuerai, je laisse cet espace ouvert, sans aucune idée de ce qu'il deviendra.<br /> A bientôt peut être.
E
Moi aussi. Je passe régulièrement. Rien...
E
j'espère que tu vas bien. <br /> biz
Je crois que je vais faire un blog...
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